III. Assister vos premiers franchisés

Étape 10. Le manuel opératoire du franchisé

Manuel opératoire, un document fondamental

Le Règlement européen d’exemption n° 330/2010 du 20 avril 2010 définit le savoir-faire comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur. » La forme la plus courante de l’identification du savoir-faire est le manuel opératoire : il permet d’identifier le savoir-faire nécessaire au franchisé pour exploiter le concept dans les conditions prévues par le contrat en un seul et même ouvrage. Traditionnellement, il s’agissait d’un ouvrage papier remis en un seul exemplaire au franchisé. Par la suite, il a pris des formes variées : site web, tutoriels, cycles de formation, logiciel, etc. Dans tous les cas, un manuel opératoire du savoir-faire comporte 150 à 200 pages et sa rédaction nécessite 15 à 30 jours pour un rédacteur expérimenté.

Dans ce manuel, le franchiseur doit mettre en œuvre une gestion de la connaissance (Knowledge management) propre à apporter le savoir-faire dont a besoin l’opérateur du concept, selon une structure en cinq temps :

  • La direction de l’unité franchisé. Cette partie s’adresse principalement au dirigeant et recense les éléments de la phase de préouverture ainsi que les outils de pilotage du quotidien.
  • Le commercial. Il s’agit de l’ensemble des techniques et des savoir-faire liés à la conclusion de la vente.
  • L’exploitation. Cette partie est dédiée à l’exécution de la prestation achetée par le client. Il s’agit souvent du cœur du savoir-faire du franchiseur.
  • Le management. Le franchisé est un chef d’entreprise qui pilote une équipe en tant qu’employeur, ce qui représente un enjeu crucial à la réussite de son entreprise.
  • La communication. L’utilisation de la marque par le franchisé est strictement encadrée et fait l’objet d’un cadre précis de la part du franchiseur.
Idéalement, ces cinq temps se synchronisent aux cinq étapes du cycle de vie du franchisé :

  • Préparation du lancement. Il s’agit de l’ensemble des tâches affectées au franchisé lors du rétroplanning de lancement.
  • Lancement. Les 120 premiers jours sont en général cruciaux, même si cette période varie de quelques jours à quelques mois suivant le type d’activité.
  • Atteinte du seuil de rentabilité. Le franchisé doit disposer d’un pilotage précis de son activité pour pouvoir organiser ses actions en fonction de ses moyens.
  • Atteinte des objectifs d’exploitation. Le franchisé pilote sa croissance au plus près du modèle économique du concept. Il utilise comme référentiel le Business Plan qu’il a établi lors de la préparation du projet.
  • Développement. Le franchisé oriente sa croissance vers un objectif qui lui est propre, comme ouvrir d’autres points de vente ou moins travailler.
Enfin, l’accès au savoir-faire varie en fonction des profils intervenant dans le concept : le franchisé peut consulter les données les plus complètes alors que ses salariés ont accès uniquement au savoir-faire dont ils ont besoin. Pour bien doser cette diffusion, le format « site web » est privilégié par les réseaux pour ses multiples avantages :

  • Il accorde un accès individuel au manuel opératoire et gère le risque de divulgation du savoir-faire.
  • Le savoir-faire mis à disposition du franchisé est limité : un franchisé en année 3 n’a pas accès aux mêmes éléments que celui qui prépare son ouverture.
  • La traçabilité de la consultation du savoir-faire est possible.
  • Il est possible de créer de multiples passerelles entre le manuel opératoire du franchisé et celui du franchiseur, pour garantir l’homogénéité du réseau.
  • Les contenus multimédias, et notamment la vidéo, s’intègrent nativement dans un site web, tout comme les liens vers une plate-forme de formation.

Parcours candidats

À l’instar du parcours client, le parcours candidats comporte cinq étapes clés :
À chaque étape sont attachés un ou plusieurs support web, des flux et un taux de conversion. La maîtrise du parcours candidat permet au franchiseur d’accéder à la prévisibilité de son développement.
Guide de la formation
Formation franchise

Points de repères

De l’inventaire des savoir-faire au sommaire détaillé

Pour construire le manuel opératoire de son concept, il est nécessaire de procéder à un inventaire de l’ensemble du savoir-faire formalisé. Ce savoir-faire comprend les supports de formation interne ou externe, les fiches techniques, les procédures écrites, les manuels d’utilisation, etc. À chaque support de formation correspond un emplacement dans le système d’information de l’entreprise et un responsable du sujet.
Cet inventaire est ensuite confronté au sommaire détaillé reprenant les cinq parties du manuel opératoire du franchisé : direction, commercial, exploitation, management, communication. La confrontation entre l’existant et le sommaire cible permet de lister les parties du manuel opératoire à rédiger, de calculer le pourcentage de réalisation du manuel opératoire, d’en évaluer le temps de production et de construire le calendrier prévisionnel de production.

Savoir-faire générique et spécifique

La mise en œuvre du concept par le franchisé requiert des savoir-faire propres au concept, dits savoir-faire spécifiques, et des savoir-faire génériques, communs à plusieurs activités et nécessaires à la bonne exploitation de l’unité franchisée. Par exemple, une recette de cuisine exclusive peut relever d’un savoir-faire spécifique qui donnera un goût unique au plat. En revanche, le Plan de Maîtrise Sanitaire de la cuisine dans laquelle est fabriqué ce plat est générique à l’ensemble du secteur de la restauration. D’un point de vue juridique, l’assemblage de plusieurs savoir-faire générique peuvent constituer un savoir-faire spécifique.

Charte architecturale du concept

Les signes distinctifs du concept font partie intégrante de celui-ci. Il s’agit du logo, et de la marque, bien sûr, mais aussi de tout ce qui fait que, même sans le logo et la marque, le concept est immédiatement reconnaissable (le toit rouge de BUFFALO GRILL, par exemple).

Enrichis de consignes techniques et graphiques, ces éléments doivent être rédigés dans un document spécifique, baptisé la « Charte architecturale du concept ». Souvent élaborée par des professionnels, cette charte permet de garantir une homogénéité du concept. Certains recherchent des points de vente qui se ressemblent avec une maîtrise d’œuvre assurée par l’enseigne. D’autres acceptent que chaque enseigne ait sa propre âme, du moment qu’elles respectent les codes architecturaux de la marque, aussi appelés « marqueurs du concept ».

Au nom de l’intégrité du concept, le franchiseur a la possibilité de recommander au franchisé des prestataires dans la conception, dans l’équipement (mobilier, matériel de cuisine), dans la maîtrise d’œuvre (chantier) et dans le recrutement. Il peut même les imposer s’il a de bonnes raisons de le faire. Dans tous les cas, le prévisionnel des travaux est soumis à une validation préalable de l’enseigne qui s’assure de la qualité de la mise en œuvre de son concept.

Paroles d'experts

Protéger le savoir-faire
A l’ère du digital, les copieurs sont légion dans les systèmes de franchise : ex-franchisés, ex-salariés, concurrents… Les créateurs de savoir-faire efficaces sont surveillés et leurs créations sont bien souvent pillées. Pourtant, ils peuvent se protéger.

Intérêt de la protection

Une protection légale

Jusqu’à une date récente, la protection d’un savoir-faire non breveté était bien difficile à mettre en œuvre. Seule existait l’action en concurrence déloyale qui laisse une large place à l’avis arbitraire du juge sur la copie, Désormais, avec la loi n°2018-610 du 30 juillet 2018, la quasi-totalité des savoir-faire peut être protégée. La loi dont l’objet est plus général (la protection du secret des affaires), vise en effet à protéger des informations pas nécessairement originales ; il suffit qu’elles soient peu facilement accessibles à tous. Un franchiseur ne peut pas transmettre un savoir-faire banal ; il faut au moins une difficulté moyenne d’accès à ce savoir-faire pour légitimer sa fonction de franchiseur. Ce, quel que soit le domaine d’application du savoir-faire, qu’il s’agisse de la signalétique, de la relation clients, de la communication, du métier ou autre. Et lorsque l’on est le Conseil de nombreux réseaux d’une même activité, on voit bien, en entrant en coulisses, que chaque détail apparemment banal a son importance ; c’est l’assemblage qui fait la réussite et ouvre un droit à la protection. Chaque réseau a sa spécificité. Chacun peut donc protéger son savoir-faire. Mais le juge ne prêtera la main à une telle mesure de protection qu’à la condition que le chef de réseau ait manifesté une intention claire et précise de protéger son savoir-faire. C’est l’un des sens de la loi.

Les précautions

  • Il est indispensable pour chaque franchiseur voulant préserver ses spécificités de connaître parfaitement son savoir-faire, d’en réunir les composantes spécifiques en vue de mettre en œuvre leur protection ;
  • Le digital vient au secours de la protection du savoir-faire avec les systèmes de type blockchain qui, bien utilisés, peuvent à certaines conditions conférer une date certaine aux différents documents contenant le savoir-faire du franchiseur, tels, au démarrage le document d’information précontractuelle, le contrat de franchise, le manuel opératoire, puis chacun des savoir-faire et leurs évolutions.
  • Cela suppose de bien cibler chacune des composantes du savoir-faire, en les présentant comme telles, de mettre en œuvre une politique de communication valorisant cette protection, et d’enregistrer l’ensemble avec un système de type blockchain.
  • Le facteur distinctif de la franchise par rapport à tous les autres systèmes de distribution étant la transmission d’un savoir-faire distinctif, la protection issue de la loi du 30 juillet 2018 apparait indispensable. Elle vient s’ajouter à la classique action en concurrence déloyale, en promettant d’être bien plus efficace.
Hubert Bensoussan Expert FFF

Hubert Bensoussan

Julien Siouffi Expert FFF

Julien Siouffi

Mettre en ligne votre savoir-faire
Le digital a d’abord été considéré avec méfiance par les franchiseurs. Ces derniers redoutaient le risque de dissémination de leur savoir-faire, le risque de perte de contrôle des franchisés et les dérives possibles du commerce en ligne. Aujourd’hui, face à la multiplication des écrans et des outils, le web est un vecteur indispensable de mise à disposition du manuel opératoire. Il est recommandé de dépasser la notion de Gestion Électronique de Documents (GED), qui consiste à classer des documents dans des dossiers comme on le ferait sur le disque dur de son ordinateur, au profit d’un véritable management de la connaissance.
Chaque document est indexé, comme le ferait Google, afin d’être retrouvé sur simple requête de l’utilisateur. De même, l’interface web permet un accès personnalisé qui garde la trace des documents les plus consultés, facilitant l’ergonomie du site. Enfin, le site web permet une traçabilité des connections et des consultations, qui s’avèrent très favorables à la sécurité juridique du franchiseur. Le format web permet également d’intégrer au manuel opératoire des outils connexes : forum, plate-forme de formation, site d’achat en ligne, etc. Dans sa forme digitale la plus aboutie, le savoir-faire est mis à disposition de chaque intervenant au concept, au moment où il en besoin, avec un média intégré directement dans l’outil d’exploitation du concept (logiciel, tablette, écran du point de vente, etc.)
Manuel Opératoire et Droit

1. Le manuel opératoire

Le manuel opératoire compile le savoir-faire du franchiseur. Aujourd’hui, il est rare que celui-ci ne soit pas digital. Il doit être très simple d’accès pour être lu et non rangé dans un tiroir pour la durée du contrat. Malgré son importance fondamentale, il ne peut être transmis dans la phase précontractuelle. En effet, nombre de candidats sont destinataires d’un DIP sans pour autant signer de contrat de franchise. Une telle transmission se heurterait à la confidentialité du savoir-faire. Pourtant, certains éléments, substantiels, sont suffisamment déterminants pour justifier d’une communication en amont, surtout à une époque où le droit général des contrats exige que les contractants communiquent avant toute signature, toute information qui pourrait être déterminante pour la relation contractuelle. Par exemple, l’échec réitéré de succursales du franchiseur n’a pas à être mentionné sur le DIP selon les articles R330-1 et L330-3 du code de commerce. Pourtant, si le franchiseur lui-même est en situation d’échec, une telle situation doit être connue par les candidats à la franchise ; elle peut en effet avoir un caractère déterminant sur la signature du contrat par le franchisé.
Au-delà de ces renseignements nécessaires, pour limiter le risque de sanction pour vice du consentement, le franchiseur doit systématiquement pouvoir justifier que le candidat à la franchise a pu se rendre sur les lieux et vérifier les effets du savoir-faire. Il en résulte 2 précautions fondamentales :

  • Une mention expresse sur le contrat de ce que le franchisé a pu, pendant la période précontractuelle se rendre sur plusieurs unités de l’enseigne en vérifiant les spécificités et les effets du savoir-faire ;
  • Le franchiseur doit garder trace de toutes les questions posées sur le savoir-faire pendant ses visites. A cette fin, il est loin d’être inopportun de rédiger des comptes rendus de visite dès la phase précontractuelle mentionnant les questions posées par le candidat devenu franchisé et les réponses apportées, l’ensemble devant être signé par les parties.

2. Le manuel opératoire doit être actualisé en permanence ;

Bien souvent les franchiseurs souhaitent avoir la main sur la recherche de financement. En effet, maîtres du concept, ils sont mieux placés que personne pour aider le franchisé à trouver un financement, à convaincre un organisme financier de participer à l’opération de franchise. Cela ne peut se faire sans certaines précautions :

  • Une obligation de non-concurrence post-contractuelle doit être indispensable à la protection du savoir-faire pour être validée. Il est donc d’autant plus nécessaire de faire évoluer en permanence le savoir-faire si l’on entend protéger le concept. Chaque évolution devra faire l’objet de la transmission d’une modification du manuel opératoire.
  • Le manuel opératoire doit rappeler en divers endroits la notion de secret qu’il convient de respecter strictement. La protection de savoir-faire du franchiseur doit certes faire l’objet de démarches spécifiques (voir le chapitre protection du savoir-faire), mais le franchiseur doit marquer le plus possible en maints endroits sa volonté de protection. C’est le sens de la loi du 30 juillet 2018 sur le secret des affaires.
Hubert Bensoussan Expert FFF

Hubert Bensoussan